Adolescence, article 1
Adolescence
« Adolescence », un mot qui peut nous mettre mal à l’aise. Parfois, nous nous sentons vraiment peu préparé à accompagner nos enfants dans cette période ; également nos propres souvenirs d’adolescence peuvent se bousculer dans notre coeur et se heurter, éventuellement, à des mythes, ou des jugements de valeur pris comme vérités, qui circulent sur ce chamboulement titanesque que représente l’adolescence.
Au sein de la philosophie de vie Waldorf, on trouve désormais en français beaucoup d’informations concernant la petite enfance ; mais, à mesure que les enfants grandissent, il y en a beaucoup moins. Or, cette période de l’adolescence est tout au moins aussi importante que celle de la petite enfance. Face à ce dénument, j’ai eu envie de traduire un certain nombre d’articles de l’anglais, tous issus de la mouvance Waldorf-Steiner et qui traitent de l’adolescence. Voici le premier de cette série.
L’article original en anglais provient du site Waldorf Online Library : http://waldorflibrary.org/articles/1171-adolescence Il a été Initialement publié dans The Gresset, Vol.16 n ° 3 (Journal of the Camphill Movement, Royaume-Uni). Le mouvement Camphill est basé sur une pédagogie curative issue du courant philosophique développé par Rudolf Steiner.Traduction de l’article Adolescence
Le mot « adolescence » dérive du latin « adolescere » qui signifie « grandir vers » (l’âge adulte). Le terme se rapporte à peu près à la période comprise entre 14 et 21 ans, qui est la troisième période de vie de sept ans. La première période se terminant à la septième année marque la fin de la petite enfance, la deuxième se finissant à 14 ans voit un enfant dans la puberté, et la troisième qui se termine à la 21e année marque le début de l’âge adulte.
Bien que ces périodes de sept ans ont tendance à se télescoper et à se précipiter à la suite de l’accélération de la croissance chez les enfants d’aujourd’hui, les caractéristiques fondamentales de ces trois phases restent inchangées.
Si la troisième période de vie de sept ans est celle de « la croissance vers l’âge adulte », il en résulte que cette croissance vers l’âge adulte n’a pas lieu dès la naissance, ce qui implique à son tour que l’enfance est une chose en elle-même et non pas seulement une étape initiale ou préparatoire pour devenir adulte.
L’enfance serait alors un état bien défini, autonome et universel, avec ses propres lois de croissance et un développement organique, sur laquelle les attentes et demandes futures n’empiètent pas.
Les deux premières périodes de sept ans constitueraient les deux parties, pour ainsi dire, de la médaille de l’enfance : la première période commençant à la naissance qui est la séparation du corps d’un enfant du corps de sa mère, et la seconde période commençant avec un certain point culminant de la croissance biologique qui permet le développement mental de l’enfant qui est devenu maintenant un enfant en âge d’école. Dans un sens, on pourrait appeler cette deuxième étape de développement une « seconde naissance », une naissance mentale.
Dans le même sens, on peut dire qu’un enfant qui grandit a deux autres « naissances » devant lui. L’une est la séparation de sa vie émotive de celle de ses parents et de sa famille, ce qui signifie que ses relations affectives et ses réactions aux choses deviennent de son fait propre et ne sont plus sans aucun doute celles de son milieu familial. Il devient émotionnellement indépendant. Cela culmine autour de sa 14e année.
Une quatrième et dernière « naissance » dans le développement d’une jeune personne est celle de son Ego, ce qui signifie qu’il acquiert une relation viable avec son propre soi distinct de l’Ego des autres individus.
Ainsi chacune des trois premières périodes de vie de sept ans peuvent être considérées comme une période de « grossesse » se terminant en trois « naissances » successives ; c’est seulement après qu’une personne est entièrement « née » en tant qu’individu.
Mais pour revenir à l’enfance : l’enfance est alors un « monde » distinct de la croissance physique et biologique, avec le potentiel émotif et celui de l’Ego d’un futur individu jouant avec lui, – tout comme le vent, les éléments climatiques et la lumière du soleil jouent autour de la terre fertile -, jusqu’à ce que le monde de l’enfance soit envahi par la puissance dynamique propre du climat affectif de l’enfant. Une personne commence à avoir son propre climat personnel, distinct de son climat environnemental.
Avec l’irruption du climat périphérique dans l’expérience personnelle d’un jeune, ce qui se produit classiquement à l’âge de 14 ans, l’adolescence – ou la croissance à l’âge adulte – commence, et cette croissance vers l’âge adulte est simultanée mais pas synonyme de la puberté. Il est essentiel de faire la distinction entre l’adolescence et la puberté.
L’adolescence est un nouveau commencement, marqué par la troisième « naissance » que nous avons décrite. Elle est l’énoncé de nouvelles conditions dans un territoire inexploré. Elle est essentiellement tournée vers l’avenir.
La puberté est la fin de quelque chose, l’aboutissement de processus qui l’ont précédée et qui ont commencé à la conception. En termes botaniques, un développement commence par la germination, puis la plante pousse : feuilles, fleurs, mûrissement… et elle est enfin prête à donner des graines. La préparation des graines peut être assimilée à la puberté.
La puberté est la fin de l’enfance. Elle est la fin naturelle du développement naturel. En ce sens, elle est tournée vers l’arrière.
L’adolescence est le début du développement spirituel d’un individu.
Le fait que la puberté et l’adolescence coïncident et s’emmêlent en une jonction spécifique dans la vie constitue une deuxième divergence dramatique dans l’existence humaine. La première discordance était une irruption de bonne heure d’une expérience de l’Ego chez l’enfant entre ses deuxième et troisième années, provoquant chez lui la référence à lui-même comme à « Je », à un moment où il est insuffisamment développé et absolument pas équipé pour faire face à lui-même comme un soi. Nous savons par l’histoire de nombreux enfants handicapés à quel point un enfant est vulnérable et en danger à ce moment particulier dans la vie.
De même, la puberté et l’adolescence constituent un autre moment dangereux auquel un jeune est exposé.
Combien harmonieuse et sécurisée serait la vie humaine si la puberté commençait seulement après l’adolescence ; la première expérience de son propre Ego viendrait comme le couronnement des 21 premières années de développement !
Mais Prométhée arracha ce qui aurait été équivalent à un automate ou une marionnette divine à son état pré-ordonné de sereine perfection, et donna à l’humanité son propre lot Prométhéen : ce qui devrait être couronné vient trop tôt et que ce qui doit commencer vient après, troublé par ce qui a déjà eu lieu. Le développement naturel et spirituel s’opposent l’un contre l’autre. Rien ne correspond. Tout est en désaccord, et comme le grand Titan, une âme humaine en pleine croissance est enchaînée au rocher escarpé de l’existence, en proie à la colère des dieux, en danger mais résistant, sans aide, maintenant en possession d’un secret dont même les dieux ont peur – le secret de l’avance de l’homme en matière de perfection de lui-même à travers la souffrance morale et l’effort moral.
C’est seulement quand l’âge adulte a été atteint que les principes prématurés et tardifs dans le développement de la jeune personne en croissance emboîtent le pas et s’harmonisent, ou au moins entrent dans une sorte de coexistence.
En bref, l’adolescence est un état humain ; la puberté un état biologique. La puberté est normalement la porte d’entrée dans l’adolescence, mais pas identique à elle. La puberté est limitée à une période déterminée, alors que l’adolescence est un état de maturité croissante qui peut persister à l’âge adulte.
Si le mot adolescence est pris littéralement pour signifier « grandir vers », il s’ensuit qu’il est un état propre à l’homme. Cela signifie que chez l’animal il n’y aurait pas de phase de transition adolescente entre la maturité physique et l’âge adulte. Par conséquent, nous parlons d’un jeune animal et d’un animal adulte. Ou y a-t-il une phase équivalente à l’adolescence humaine chez les animaux ?
Il y a des phases distinctes de la petite enfance et de l’enfance chez tous les animaux plus fortement organisés qui rappellent l’enfance humaine. Prenez l’ourson polaire avec sa malice enchanteresse et inventive, ou le jeu de la petite loutre, du chaton, du chiot, du lionceau, chacun affichant la petite enfance et l’enfance de la manière qui lui est propre.
Mais revenons à l’ourson polaire – au moment où il atteint la maturité physique -, tout le sérieux mortel de sa nature d’ours polaire descend lourdement sur lui, et l’ours polaire entre dans un état adulte irrévocable dans lequel il est, pour l’homme, l’une des plus féroces et des plus inaccessibles des bêtes.
La gravité de la vie animale, de la survie, de la procréation et de la protection des jeunes, commence sans relâche avec la maturité physique.
C’est comme si l’enfant animal et l’enfant humain habitaient le même paradis universel du jeu, de la petite enfance et de l’enfance, mais avec la maturité physique, ils se séparent – l’animal pour être ce qu’il est, l’être humain pour devenir ce qu’il est destiné à être.
L’adolescence comme un état de devenir est réservé à l’être humain seul. Par conséquent, il est à la fois précaire et extrême, dangereux et indispensable.
Ce qui, en surface, peut être suggestif de l’adolescence chez l’animal est une phase d’adaptation à des conditions données, dans lequel il existe, mais ne peut pas avancer, car il ne peut pas goûter le vin de l’Ego humain.
Le Dr. Konig dit qu’un nouveau-né est blessé et choqué par sa naissance, car ce n’est pas seulement la mère qui est en travail. Un enfant est aussi en travail, à travers le passage étroit qui mène de la sécurité la plus profonde à la lumière aveuglante du jour. Par conséquent, le Dr Konig dit que l’enfant a besoin de semaines et de mois de soins et de convalescence.
Il renouvela cette position dans une de ses conférences aux Village Communities et parla de l’enfant comme étant malade, pas malade à la mort, mais à la vie. Il récupère régulièrement de cette maladie, alors qu’il grandit et se développe, et au moment où il est âgé de sept ans, il a atteint la santé complète.
La phase de l’enfance où il entre maintenant est l’une des plus grandes en matière de santé dans la vie humaine, ce qui ne veut pas dire que l’enfant est indemne de la maladie physique, mais il y a équilibre et harmonie entre lui-même et le monde autour de lui.
Mais, ensuite, à la puberté, poursuit le Dr Konig, il y a une nouvelle attaque de la maladie. C’est le choc et la maladie de la maturité physique ; et la période de récupération est l’adolescence.
Naissance et puberté sont deux moments de la maladie. Un enfant qui a été conçu et est né lors du travail est maintenant prêt à concevoir et à produire dans ce travail. La puberté le met dans une position entièrement nouvelle : il devient participant aux mystères de la création ; ces derniers se trouvent maintenant en son pouvoir. Pourtant, en tant que personne, il n’est pas prêt ; ni son identité ni sa capacité de responsabilité sont tout à fait établies. Il n’est pas encore parvenu à l’âge d’homme.
Il semblerait que l’adolescence a deux aspects ; celle de la reprise de la maladie de la puberté, et cette de grandir dans son propre état d’adulte. Comme ce dernier est handicapé par ce qui précède ! Par conséquent, l’adolescence est une phase extrême, souvent intolérable pour ceux qui ont depuis longtemps absous leur propre adolescence.
Plus une culture particulière se trouve être ancienne ou simpliste, moins la période de transition entre la maturité physique et l’âge adulte croît proportionnellement.
Dans la vie tribale, par exemple, les rites de puberté étaient l’initiation des garçons et des filles à l’âge adulte. Même aujourd’hui, dans les pays où il y a encore une paysannerie, les garçons et les filles ont tendance à aller de la puberté à l’âge adulte avec relativement peu de transition. Les exigences de la terre n’attendent pas que le paysan mûrisse doucement. Aussi dans les classes ouvrières, les garçons et les filles aujourd’hui ont tendance à être adultes demain. Ils ne peuvent pas se permettre – et pas seulement au sens financier – de prolonger l’adolescence, mais entrent assez rapidement dans une vie de travail responsable.
Dans les cultures anciennes, un jeune homme de 14 ans était élevé au rang de défenseur de la cité, de la forteresse, de la ville ou de l’État. Au Moyen Age, la chevalerie était conférée au jeune de 14 ans. Son homologue féminin maternait son premier enfant à cet âge.
Wolfram von Eschenbach raconte l’histoire de l’enfance et de l’âge adulte de Parsifal. Son adolescence, d’autre part, eu lieu, pour ainsi dire, au cours de son trajet jusque chez Gurnemanz où il est devenu un homme.
Achille, Siegfried, Thésée et d’autres héros légendaires finissent leur enfance brusquement pour accomplir leur destinée d’adulte. Seul Télémaque est autorisé à une période de l’adolescence, car son père, Ulysse, bien qu’il soit absent, est toujours le roi d’Ithaque, et il est lui-même pas encore responsable.
L’Évangile de saint Luc se réfère à Jésus jusqu’à sa douzième année et puis à nouveau, à partir de sa trentième année. De même, Jean-Baptiste apparaît comme un enfant, et réémerge seulement quand il est un homme.
Cela peut signifier que :
beaucoup plus de valeur était attachée dans les premiers temps à la maturité physique de par la nécessité de résister aux pressions de l’existence dans le monde, de sorte qu’un autre état de « devenir », aussi loin que l’existence intérieure était concernée, semblait incongru ou superflu.
ou bien que :
dans les premiers temps, l’individu n’a pas encore été émancipé des nécessités de la cité, de l’État, du pays, du fief, du clan, etc., qui coûtaient en « matériel humain » pour combattre leurs guerres et souffrir leurs vicissitudes, indépendamment de l’âge et de la maturité, comme si le groupe devait être mis en place avant que l’individu puisse être établi dans le groupe. Les croisades sont un exemple. Elles avalèrent tous les hommes, jeunes et vieux, et les femmes durent « réapprovisionner » la réserve. Même les enfants ont été entraînés dans le tourbillon des problèmes en jeu à ce moment particulier de l’histoire. Il n’y avait pas de temps pour l’adolescence.
Même – ou plutôt simplement – parmi les rois, la préservation de la lignée ou des espèces royales, était de plus grande importance que la maturation du monarque en lui-même. Jacques Ier d’Angleterre fut couronné à l’âge de huit ans. Les mariages entre les rois étaient faits dans la petite enfance. Le poids et le sérieux de l’État s’asseyaient sur les épaules de l’enfant.
Il y avait une exception à tout cela, là où l’artisanat et les guildes étaient concernés. Aucun jeune ne pouvait devenir maître dans un métier sans passer par un apprentissage. L’apprentissage dans les métiers était la seule forme d’adolescence dans les temps anciens.
Goethe appelle une partie de son roman « Wilhelm Meister » (qui signifie « maître », en fin de compte dans le métier de la vie), « L’apprentissage de Wilhelm Meister », ce qui est la description de la croissance vers l’âge adulte de son héros. Il se pourrait bien que ce roman ait été l’un des facteurs qui servi à inaugurer l’adolescence comme une phase légitime et nécessaire du développement humain.
L’écrivain autrichien, Stifter, représente aussi une sorte d’adolescence ou d’apprentissage à la vie dans son roman « Après l’été ». Henry, son héros, doit passer par une école supérieure de la nature dans une rencontre avec la géologie, la botanique et sous une forme sublimée, la zoologie, avant d’arriver à la Maison des Roses où son destin en tant qu’homme commence.
Les 18e et 19e siècles, ont vu la reconnaissance de l’adolescence comme un état humain intrinsèque seulement à travers les œuvres de Goethe et de Stifter. L’homme avait enfin gagné son adolescence.
Le 20ème siècle est témoin de la prolifération massive de l’adolescence, à tel point que les psychologues parlent des adolescents comme d’une nouvelle classe sociale. L’adolescence commence plus tôt et dure plus longtemps. L’étudiant, anciennement apprenti pour une période donnée de la profession choisie, peut maintenir indéfiniment son statut d’étudiant ou d’apprenti. On se demande parfois si cet attachement à l’adolescence n’est pas le résultat de la réduction de l’enfance, en partie à travers la scolarisation intellectuelle précoce et en partie à travers l’accélération de la croissance chez les enfants. Si un enfant est autorisé à être un enfant aussi longtemps qu’il a besoin de l’être avec tout ce que cela implique, sa croissance vers l’âge adulte ne dépassera pas sa durée intrinsèque de temps. Si, toutefois, il arrive à l’adolescence avec l’expérience d’avoir été privé d’une enfance pleine et entière, il fera tout ce qu’il peut pour prolonger son statut de mineur.
Mais ici, je voudrais me détourner des aspects généraux de l’adolescence et voir la question en relation avec nos jeunes handicapés.
La psychologie moderne parle de trois phases de l’adolescence, qui, à mon avis, constituent une base viable pour une nouvelle réflexion :
(1) La puberté ;
(2) La recherche de l’identité ;
(3) L’adaptation
La puberté serait la phase biologique, la recherche d’identité la phase psychologique, et l’adaptation la phase sociale de l’adolescence.
Il est évident que la recherche de l’identité est la phase centrale, le noyau de l’adolescence et, par conséquent, la phase la plus cruciale et la plus vulnérable. C’est également la période qui voit l’apogée de la croissance dans l’intelligence testable. Nous sommes à notre plus intelligent dans cette phase intermédiaire de l’adolescence, et en même temps, nous sommes en quête d’identité, ce qui est encore une discordance Prométhéenne dans l’ordre des choses.
Ce que la recherche d’identité signifie peut difficilement être décrit avec plus d’éclat que par Tolstoï dans la troisième partie de son « Enfance, Adolescence et Jeunesse »1.
Pour citer quelques extraits : « A cette époque, que je considère comme la fin de l’enfance et le début de la jeunesse, mes rêves étaient basés sur quatre sentiments : l’amour d’elle, la femme imaginaire dont j‘ai toujours rêvée d’une seule et même manière et que je m’attendais à tout moment à rencontrer quelque part. Le second sentiment était l’amour d’être aimé. Je voulais que tout le monde me connaisse et m’aime, je voulais dire mon nom et que tout le monde soit frappé par cette information, pour m‘entourer, et me remercier de quelque chose. Le troisième sentiment était l’espoir d’une inhabituelle et vaniteuse bonne fortune. Le quatrième et le plus important sentiment était le dégoût de soi et la repentance, mais la repentance si mêlée d’espoir de bonheur qu’elle n’avait rien de triste ... »
Chez nos jeunes handicapés, il y a une tendance, comme dans d’autres groupes peu sophistiqués, de partir de la puberté avec une certaine manière de s’adapter (avec la vie en société en conjonction avec leurs propres limites et capacités), mais non pas parce qu’ils sont potentiellement moins sophistiqués, mais parce que leur handicap se manifeste, d’une part, dans l’intelligence testable et de l’autre, dans la recherche d’identité.
Dans ses conférences au « Village », le Dr. Konig parla des « masques » que nous portons dans les nombreuses situations de vie différentes que nous rencontrons, chaque situation appelant un autre « masque », ou en d’autres termes, un autre aspect de notre identité. Chez nos jeunes handicapés, une certaine mobilité et souplesse dans des situations font défaut. Ils choisissent un « masque » qui devient fixe, indépendamment de l’évolution des demandes.
Ceci apparaît en particulier dans le groupe des psychotiques, qui, après la puberté semblent être en mesure de s’adapter relativement bien, souvent montrant une habileté étonnante et la maîtrise de certains types de travaux ou d’artisanat. Mais s’adapter ne signifie pas nécessairement seulement travailler. S’adapter, c’est faire face à soi-même en tant que membre de la société, et cela ne peut se faire si l’identité n’a pas été établie.
Les jeunes psychotiques ont tendance à passer par la recherche de l’identité. Ils prennent même leur envol ou l’évitent assidûment et sortent de cette phase avec une identité dans l’ombre et une adaptation dans l’ombre elle aussi. Nous avons trop souvent vu des cas où l’adaptation, substituée par la perfection dans le travail, se fissure et conduit à la catastrophe et à la dépression.
Je voudrais conclure par une question: De quelle manière pouvons-nous apprendre à guider nos jeunes handicapés plus complètement à travers les trois phases de l’adolescence, et en particulier par le biais de la phase centrale de la recherche d’identité, de sorte que quelque chose qui est un droit de naissance de tout individu humain – sa prérogative à devenir un adulte, à croître vers l’âge adulte -, ne reste pas une apparence, un renoncement ?
Ici se trouve un défi considérable pour nous tous.
A. Weihs