Le développement de la main
Voici la traduction d’un article originellement paru en anglais et téléchargeable librement sur le site Waldorf Library. C’est l’article d’une enseignante Steiner. il est passionnant et explique clairement l’importance de laisser les bébés libres de leurs mouvements et de leur progression, car ces mouvements ont d’énormes incidences sur le développement de la préhension, et, plus tard, du dessin, de l’écriture, du calcul, etc… toutes ces compétences fondamentales pour la vie future de l’enfant.
D’intéressants développements sont aussi menés sur la différence entre les crayons-bâtons et les crayons-pavés qui, comme moi, vous étonneront sans doute, étant donné qu’ils remettent totalement en question un bon nombre d’idées reçues qui sont véhiculées sur la question…
Autant dire que je vous encourage grandement à lire jusqu’au bout cet article ! Il complète très avantageusement d’autres que j’ai traduis ou écrits il y a déjà quelques temps, comme :
- Exercices pour soutenir la lecture et l’écriture
- Enseigner à nos enfants à lire, à écrire et épeler, partie 1
- Enseigner à nos enfants à lire, à écrire et à épeler, partie 2
- Lire et écrire avec les pédagogies alternatives
- L’apprentissage de l’écriture dans la pédagogie Steiner
Soutenir le développement de la main
Les mains d’un musicien volant gracieusement sur les touches du piano, les doigts d’un jeune étudiant jouant de la flûte à bec ou les mains d’un sculpteur façonnant l’argile en des formes artistiques, telles sont les situations qui montrent toutes la qualité humaine unique de la main.
Observez les mains d’une mère en train de caresser son bébé, un couple de personnes âgées se tenant la main ou une main donnant une tape amicale sur une épaule – les mains peuvent librement réconforter, transmettre l’amour, aussi bien qu’offrir et recevoir des services.
Outre ces activités sincères et créatives, la main humaine développe plusieurs capacités pratiques, principalement à travers les activités de l’enfance et de la jeunesse. Avec précision et force, la main peut utiliser un tournevis, une scie ou un marteau ; elle peut faire tourner une toupie, coudre un bouton, peindre une image délicate et écrire avec un stylo ou un crayon.
Dans le monde du bouton-poussoir d’aujourd’hui, la merveilleuse capacité de la main assume un caractère manipulé et contrôlé plutôt que son droit de naissance : une agilité créative et vivante. Est-ce que les yeux suivent avec amour ce que font les mains lorsque les doigts tapent sur un clavier, déplacent une souris ou poussent des boutons sur une autre machine ?
Ce manque de connexion entre les yeux et les mains commence tôt à notre époque, alors que de plus en plus de jeunes enfants regardent les écrans alors que leurs mains ne font rien ou déplacent les joysticks ou les boutons-poussoirs de manière automatique. L’augmentation du syndrome du canal carpien et d’autres affections dues à la tension musculaire dans le cou, les épaules et les bras ont-elles un lien avec la manière dont nous utilisons nos mains ?
Comment nos mains sont utilisées peut ne pas sembler une question importante dans l’éducation de l’enfant, mais nos mains humaines ont un potentiel qu’aucune « main » animale ne possède (Frank Wilson, The Hand: How its use shapes the brain, langage, and human culture). Les mains sont les organes les plus créatifs et les plus désintéressés de l’être humain, dans la mesure où nos mains sont libres d’offrir un service aux autres, de nous nourrir, et de prendre soin de soi. (Rudolf Steiner, Practical Advice to Teachers, Lectures 4 et 7)
Le développement de la main avec sa motricité fine, si nécessaire pour gérer l’écriture, le dessin et les autres activités artistiques de l’école, est un domaine souvent oublié, indifféremment par les parents et les éducateurs d’aujourd’hui. Beaucoup d’enseignants remarquent que les enfants tiennent leurs stylos et leurs crayons de manière inconfortable, mais ne relient pas nécessairement ces préhensions au développement sensoriel et moteur de la main et du système postural.
La main et le bras ne sont, bien sûr, qu’une partie du tout. Pourtant, le tout est présent dans la partie. Si nous regardons la main, nous observons le centre, calme, de la paume avec les cinq doigts délicats qui en rayonnent. Le puissant talon1 de la paume peut être vu comme l’aspect de volonté de la main, le centre de la paume comme l’aspect des sentiments et les doigts comme la partie de la pensée.
La main, le bras et l’épaule sont en eux-mêmes une trinité. La main est liée au système nerveux, relié à la pensée ; le bras est le balancier au centre, relié à nos sentiments ; tandis que l’épaule porte la volonté. Pendant ce temps, l’œil dirige les mouvements fins et importants de la main, du bras et de l’épaule. Ainsi, l’œil porte la pensée, le sentiment et la volonté (Susan Greenfield, The human brain : A guided Tour) ; il enregistre la vitalité.
Le sens de la vie est connecté à la pensée (Rudolf Steiner, Man as a Beign of Sense and Perception ; Karl König, A living Physiology ; Albert Soesman, Our Twelve Senses). Comme le sens de la vie aide à traduire la pensée en action, il équilibre (avec l’appui du sens de l’équilibre) ce que fait le bras et déplace (la proprioception) l’épaule en action, par exemple en visant avec une flèche ou une lance, vers un but. Les mouvements des yeux dans leurs orbites sont très similaires aux mouvements de l’épaule (le bras dans l’articulation de l’épaule). L’enfant qui pointe un objet ou une personne à 14 mois est le précurseur du jeune homme qui serre la main en établissant un contact visuel. (F. Wilson, The Hand).
Le développement de la main dans la petite enfance
Le nouveau-né en bonne santé peut saisir tellement fort que son poids peut être porté quand il est soulevé par le médecin lorsque les deux mains saisissent ses doigts en un geste réflexe. Peu à peu, au cours de la première année de développement, les mains du nourrisson deviennent capables de lâcher le doigt qui a stimulé le réflexe de saisie, et peut alors saisir délibérément l’objet qu’il souhaite.
Le processus par lequel un enfant acquiert ses capacités à utiliser les mains de manière de plus en plus contrôlée est universel – si l’enfant a un système nerveux intact et se voit offrir les bonnes opportunités environnementales, il cherchera à utiliser ses mains de façons de plus en plus complexes. Bien sûr, la manière dont l’enfant gère son environnement dépend beaucoup de l’enfant lui-même ; l’être humain n’est pas uniquement déterminé par l’hérédité et l’environnement (article de Michaela Glöckler intitulé « Human Biography and its Genetic Instrument » dans le volume IV, numéro 2, juin 1999 du Research Bulletin of the Waldorf Education Research Institute).
Si ceux qui prennent soin du jeune nourrisson l’allongent sur le dos pendant les heures d’éveil, vous observerez comment il tourne ses mains dans les airs au-dessus de son visage, comme si ses mains jouaient avec les rayons de lumière.
L’intention reliée aux yeux avec ce que font les mains pendant cette activité pacifique donne une base merveilleuse pour les connexions yeux-mains futures. Le nourrisson ressent les mouvements de ses mains à travers la perception de son mouvement (proprioception) ; il voit le jeu de la lumière et de l’obscurité alors que ses mains et ses doigts changent de position ; il ressent ses mains se rencontrer (à la verticale), lui donnant un commencement de conscience des deux côtés de son corps et menant au fil du temps au développement de l’intégration bilatérale.
Cette activité apparemment simple des mains du nourrisson peut être cruciale pour le développement de la dextérité manuelle. Si le nourrisson passe la plupart de ses heures de réveil porté ou assis dans des sièges pour bébé, des poussettes, des balançoires, des déambulateurs ou d’autres engins, il lui manque l’occasion de lever les bras et de bouger ses mains et ses doigts avec grâce, pendant que ses yeux se relient à leur activité.
Il serait très difficile pour un enfant en bas âge qui est soutenu (comme dans un siège pour bébé ou une poussette) de lever les mains pour pouvoir « toucher les rayons de lumière » pendant qu’il regarde attentivement ses mains bouger ; il ne fera tout simplement pas cela dans une position où il est calé. Carla Hannaford a souligné un autre inconvénient des positions calées de l’enfant dans « Smart Moves. Why learning is not all in your head » : « Ces sièges maintiennent le bébé à un angle de 45 degrés qui inhibe les mouvements musculaires actifs soit des muscles du cou soit du tronc (de l’abdomen et du dos). Même si les yeux du bébé sont dirigés vers l’avant, parce que le mouvement est inhibé, le bébé ne développe pas activement sa vision ».
Au cours des premiers mois, le réflexe de saisie continue à être suscité par les récepteurs tactiles (sens du toucher) dans la paume ; progressivement, la prise devient plus détendue. Le processus qui permet à la main d’assouplir sa saisie réflexive implique de grossiers mouvements moteurs du bébé sur le sol. D’habitude, à l’âge de trois ou quatre mois, le bébé se retourne et se retrouve sur le ventre.
Peu de temps après, il commence à pousser sur ses mains pour élever sa grosse et lourde tête et ses épaules afin de pouvoir regarder autour de lui. La pression ainsi exercée sur ses mains, au fur et à mesure qu’elles s’ouvrent progressivement alors qu’il pousse sur le sol, donne une entrée tactile ferme sur ses paumes.
Parce que cette donnée tactile se produit alors qu’il porte du poids sur ses paumes, il ne peut pas répondre facilement en fermant ses doigts autour de cette sensation tactile – sa réponse à la saisie s’estompe naturellement. Cette pression sur les paumes continue alors qu’il se glisse sur ses mains et ses genoux.
Chez l’enfant d’âge scolaire à qui l’on demande de ramper, on voit souvent que les doigts s’enroulent, l’enfant ne mettant pas complètement son poids dans la paume des mains. Parfois, un enfant place les jointures des mains formées en poings sur le sol en rampant, évitant manifestement de toucher le sol avec les paumes.
Dans ces deux situations, l’enfant n’a probablement pas passé suffisamment de temps à ramper sur les mains et les genoux, ni à pousser sur le sol alors que, nourrisson, il était en position allongée ; un réflexe palmaire résiduel est toujours actif. Ce sont généralement les enfants qui tiennent un stylo, un crayon et des ustensiles de cuisine de manière tendue et maladroite.
Certains évitent également de faire entrer en contact leurs paumes avec la substance avec laquelle ils travaillent lorsqu’ils pratiquent des activités artisanales ou pétrissent la pâte ; par exemple, vous pouvez voir comment ils utilisent leurs bouts de doigts tout en travaillant avec leurs mains, évitant que les paumes touchent quoi que ce soit.
Vers le cinquième mois, le nourrisson peut, consciemment, mais toujours avec difficulté, laisser tomber un objet. À mesure que l’enfant apprend à se dégourdir les doigts, la coordination entre flexion et étirement se développe ; à huit mois, il peut librement lâcher un objet lorsque la main est posée sur une surface et, à un an, l’objet peut être jeté en l’air. La fonction saisir-jeter est maintenant sous contrôle. Jouer à donner et à prendre des jouets soutient ce développement.
Lorsque l’enfant, de huit mois à un an, s’amuse à tout laisser tomber sur le sol, il exerce cette capacité. Il expérimente également combien de temps il faut à un objet pour atteindre le sol, apprenant inconsciemment à mesurer les distances grâce à son ouïe, et quel type de son fait contre le sol, en apprenant inconsciemment la densité de diverses substances. Ces leçons de «physique appliquée» sont subtilement absorbées par l’enfant. (Stephen Edelglas, Meier, Davy, The marriage of Mind and Matter)
Encore une fois, étant donné le bon fonctionnement et les nombreuses possibilités de manipuler des objets de forme, de poids et de texture différents dans l’environnement, le développement de la préhension suit une certaine séquence.
Au départ, l’enfant ne saisit un objet que s’il touche sa paume; les trois doigts ulnaires (petit doigt, annulaire et majeur) fléchissent alors contre la paume (« prise ulnaire-palmaire »). Au début, l’index et le pouce ne participent pas pleinement à cette action. Lorsque l’enfant saisie avec une main, l’autre se contracte simultanément, par réflexe. Après quelques mois, l’index et le pouce deviennent plus impliqués et vous pouvez observer une « prise radiale-palmaire ».
Vers le cinquième mois, les deux mains peuvent être utilisées pour saisir simultanément des objets. Finalement, le nourrisson peut utiliser tous les bouts de doigts (les coussinets des doigts) contre le coussinet du pouce, sans avoir à appuyer l’objet contre la paume. La coordination des doigts s’améliore et progressivement le nourrisson peut utiliser une main sans un mouvement correspondant de l’autre, sauf si le mouvement implique de nouvelles séquences de mouvement ou de nouveaux objets.
En utilisant la pulpe de tous les doigts, la possibilité d’utiliser uniquement la pulpe du pouce et de l’index se développe à travers la pratique et l’exposition à une variété d’objets à manipuler.
1NDT : « Le » talon de la main « , appelé ainsi parce qu’il est équivalent anatomiquement avec le talon du pied. Ce talon est constitué par les os du carpe, et prolongé vers l’extérieur par le premier métacarpe et le pouce. » https://www.docteurclic.com/encyclopedie/main.aspx
Lorsque le nourrisson veut saisir un objet, la séquence de développement « étirement-saisie » suit également un modèle défini. Au début, le bras, la main et les doigts sont étirés au maximum avant que l’objet ne soit saisi, trop étiré par rapport à la taille de l’objet. À mesure que la coordination s’améliore, l’étirement se produit au dernier moment et la main s’ouvre juste assez pour saisir cet objet particulier.
Au moment où l’enfant a un an, il peut prendre un petit pois posé sur le plateau de la chaise haute, utilisant une « pince-saisie », en saisissant le pois entre le pouce et l’index, puis le mettre à la bouche et le lâcher. Peu de temps après, la prise se situe entre le bout de l’index et le bout du pouce qui forme une « pince supérieure », et le minuscule objet peut être saisi sans que la main soit soutenue par la surface de la table.
L’intégration de schémas de mouvements précoces est un autre facteur de développement de la motricité fine. Par exemple, il est difficile pour un enfant dont les mouvements de la tête sont intimement liés à ses mouvements de la main d’utiliser des ciseaux ou de développer une prise de crayon détendue.
Pour que la tête et le tronc agissent comme des fondations centrées, détendues et stables qui soutiennent les activités motrices fines de la main, les premiers schémas de mouvements doivent avoir mûri. Cette maturation se produit naturellement au fur et à mesure que le nourrisson, le jeune bambin et le jeune enfant roulent, se tortillent, rampent (sur le ventre avec les gros orteils poussant), rampent (sur les genoux et les mains à plat), marchent, et, éventuellement, traversent un espace sûr et offrant de nombreuses possibilités de mouvements sans entrave (sauf pour les « parcours d’obstacles » où les enfants peuvent se serrer, se tortiller, creuser, grimper et se frayer un chemin).
Ce développement moteur global est tout aussi important car il fournit la base posturale pour le développement d’une préhension détendue et mature du crayon.
De même, l’intégration du réflexe de saisie (mentionné ci-dessus) se produit naturellement lorsque le nourrisson et le jeune enfant rampent et glissent, et qu’il engage ses mains dans des activités de plus en plus complexes.
Développement du contrôle postural en première année
Quand il est allongé sur le dos, le jeune bébé n’a pas besoin d’engager ses sens ou ses muscles pour contrôler sa posture; la surface sur laquelle il repose le soutient complètement. Par conséquent, il peut s’engager pleinement dans ce que ses mains font lorsqu’elles se déplacent librement au-dessus de son visage. Au fur et à mesure que le contrôle de ses muscles posturaux augmente, de la tête vers le bas, il acquiert la capacité de bouger son corps lors de grands mouvements moteurs.
D’abord, il lève la tête contre la gravité, soit en position couchée sur le ventre, soit en position couchée sur le dos. Finalement, il se retourne de son dos à son ventre, puis de son ventre à son dos, et ce si il a l’occasion de passer beaucoup de temps allongée sur le dos.
Plus tard, il peut ramper sur son ventre, en utilisant ses mains et ses jambes comme un lézard humain, pour obtenir un jouet qui attire son attention. D’une manière ou d’une autre, il comprend comment se mettre en position assise ; il retire de plus en plus d’équilibre, repoussant son tronc à nouveau, puis reste assis, bougeant de haut en bas ses bras avec délices.
Après que son équilibre se soit amélioré en position assis, il acquiert suffisamment de stabilité pour pouvoir tendre la main vers un jouet, le saisir et le manipuler sans plus tomber. Cette stabilité du tronc est essentielle pour permettre aux mains de développer leur motricité fine.
Au fur et à mesure que les mois passent, le nourrisson comprend comment se mettre à genoux ou assis, depuis la position assise ou couchée, puis il bouge en avant et en arrière dans cette position. À partir de ce balancement en avant et en arrière, il développe la capacité de ramper en arrière et en avant sur ses mains et ses genoux.
Comme nous le savons, la capacité de se mettre debout et de marcher ensuite, d’abord le long des meubles puis librement, est universellement humaine. En glissant, rampant et marchant, l’enfant explore, apprend à connaître et fait une empreinte interne, ou une carte, d’un espace tridimensionnel.
Cette connexion avec l’espace est essentielle pour développer les capacités futures à l’école, pas seulement pour les jeux, la gymnastique, la danse et le sport, mais aussi pour s’orienter sur la page lors de l’écriture, du calcul et de la lecture.
Dans le développement progressif du contrôle postural, le nourrisson sera initialement capable de remplir une seule fonction à la fois. Au début, le nourrisson peut s’allonger sur le dos et saisir un objet. Quand il s’est renversé et peut s’allonger sur le ventre, il travaille à soulever la tête et à stabiliser sa posture avant de pouvoir saisir un jouet.
Après s’être assis, il passe du temps à stabiliser sa posture dans cette position avant de saisir un objet ; éventuellement il peut saisir un objet, le laisser tomber et en saisir un autre. Enfin, il peut tenir un objet avec une main, tandis que l’autre main prend quelque chose d’autre.
Les étapes du développement du mouvement qui conduisent le bébé à la station droite et la marche par ses propres efforts sont la signature de l’ego aidant l’individu à se frayer un chemin dans son corps et à pénétrer dans l’espace tridimensionnel.
Si le nourrisson a été autorisé à accomplir ces étapes archétypales de maturation dans son corps par ses propres moyens, sans interférence de son environnement, l’ego a pu laisser une empreinte plus profonde que si il était continuellement « aidé » par ceux qui l’entouraient. . (Audrey McAllen, L’extra leçon, éditions Perceval ; Joan Salter, « The incarnating child » ; Magda Gerber, «You self-confident baby ».)
Les étapes impliquées dans ce développement de mouvement archétypal conduisent également à un contrôle progressif du système postural. Quand il se débat seul, le bébé est progressivement préparé à utiliser chaque nouvelle capacité. Son équilibre est plus stable, son système postural est plus contrôlé; il n’est pas à la merci de tensions inutiles pour compenser son incapacité à percevoir ce que chacun de ses sens posturaux lui dit.
Comment les enfants dessinent et écrivent
Un bambin de 18 mois « dessinant » (gribouillage) avec un « crayon-bâton » le tient dans une main en forme de poing (« prise palmaire croisée »), pointe vers le bas (côté petit doigt), le poignet légèrement fléchi et l’avant-bras légèrement allongé ; le mouvement du crayon sur le papier (ou le mur ?) est produit par les mouvements des épaules ou du tronc.
Un enfant de deux ou trois ans tient le crayon avec quelques différences : le bout du crayon se trouve maintenant du côté du pouce, l’index commence à se redresser et repose en haut du crayon, en le séparant des trois autres doigts. qui saisissent toujours le crayon comme une unité serrée (prise partielle de la paume); l’avant-bras est en pronation et le poignet n’est pas fléchi; le mouvement de dessin est toujours guidé par les mouvements de l’épaule et du tronc. Un « crayon-pavé » n’est pas tenu de cette manière; l’enfant saisit plutôt le pavé avec tous les doigts pressés contre lui dans une prise palmaire complète, un peu comme la prise du jeune enfant sur un crayon.
Après quatre ans, la plupart des enfants peuvent tenir le crayon-bâton à travers le pouce opposé à l’index , les longs doigts avec l’annulaire et le petit doigt en flexion commencent à stabiliser la main. Lorsque l’annulaire et le petits doigt stabilisent la main contre la surface de dessin ou d’écriture, une subtile « arche » de la main se développe longitudinalement du poignet à l’espace entre la base de l’annulaire et des doigts longs. (Comme les pieds, la main a deux arcs – un transversal et un longitudinal – qui créent une croix.)
Peu à peu, de petits mouvements au niveau des articulations métacarpo-phalangiennes et interphalangiennes commencent à contrôler les mouvements du crayon ou du stylo. L’épaule, le coude, l’avant-bras et le poignet agissent comme des articulations stabilisatrices, tout comme les muscles centraux de l’abdomen et du dos, apportant ainsi un soutien et une base solide aux mouvements plus fins de la main et des doigts.
Au moment où l’enfant a cinq ou six ans, le développement de ses mains a évolué au point où il peut maintenant manger et dessiner avec une préhension mature et adulte. En écrivant, la main mature repose sur le côté, stabilisée par le petit doigt et l’annulaire.
Le stylo ou le crayon en forme de bâton est saisi de manière détendue et gracieuse, les extrémités du pouce et de l’index incurvés se faisant face sur le crayon, soutenues par le côté de la phalange distale du long doigt sous le crayon.
L’extrémité supérieure du crayon ou du stylo repose contre la base de l’index. Les muscles intrinsèques de la main provoquent des mouvements dans les petites articulations de la main et des doigts qui créent les mouvements d’écriture, tandis que l’extension du poignet déplace le crayon sur la page vers la droite. Encore une fois, les épaules, les coudes, les avant-bras et les poignets agissent comme des articulations stabilisatrices. Le tronc et la tête sont maintenus en position neutre sans se pencher ou se tordre sur le côté, ni plier au-dessus du travail sur la table.
Activités qui soutiennent le développement manuel
Dans les maisons et les salles de classe d’aujourd’hui, on peut voir que beaucoup d’élèves du primaire n’ont pas terminé le développement normal des mouvements de la main.
Certains enfants ont besoin de beaucoup de rattrapage, tandis que pour d’autres, plus d’opportunités d’activité motrice semble suffire. C’est une bonne idée de vérifier l’acuité visuelle si l’enfant d’âge scolaire a vraiment du mal à maîtriser sa motricité ; la vue de près ou de loin peuvent affecter le développement de la coordination œil-main.
Lorsque les mains agissent plus comme des pattes, l’enfant peut bénéficier d’un massage régulier des mains et même d’un mouvement passif des doigts avec des comptines ou des chansons – pendant que vous y êtes, massez et jouez avec les pieds également !
L’importance d’engager les enfants dans des activités motrices fines pour leur permettre de rattraper ce retard doit être transmise aux enseignants en formation, ainsi qu’aux parents.
Je suggère d’établir un « coin d’artisanat » à la maison où les enfants d’âge scolaire ont accès à une variété de fournitures artistiques et d’artisanat pour créer un nombre illimité de cartes, de cadeaux, d’œuvres d’art et d’objets utiles.
Fournissez ce coin avec de la cire d’abeille, de la pâte à modeler, de l’argile, du papier de soie coloré, de la colle, des ciseaux, du papier de construction coloré, des stylos et des crayons de couleur, de l’aquarelle, du papier blanc de différentes épaisseurs et tailles, des brochettes de bois ou de bambous, du papier origami, des fils de différentes épaisseurs et couleurs, des aiguilles à coudre, aiguilles à tricoter, crochets, laine (toison) colorée, outils de cardage, paillettes, papier dentelle, du papier de riz et du papier texturé, perles de différentes tailles et formes, bouts de cuir et lanières de cuir, restes de tissu , de la ficelle et de la corde.
Par exemple, les enfants peuvent faire des ceintures en tricot à doigt, feutrer la laine pour réaliser des pièces plates utilisables comme poignées ou sous-plat, coudre un sac en feutre, plier des figures en origami ou lier des cordes avec des nœuds différents. Le feutrage et le modelage avec de gros morceaux de cire d’abeille ou d’argile sont particulièrement utiles pour les enfants qui ont tendance à serrer les poings. L’accès initialement supervisé à des morceaux de bois, des clous, des vis et quelques bons outils (marteau, scie, pince, tournevis) qu’ils peuvent apprendre à utiliser est également important.
Les activités dans le jardin, telles que creuser, ratisser, planter, désherber et récolter sont des expériences inestimables, non seulement pour le développement sensoriel et moteur des mains, des doigts, des bras et du corps entier, mais aussi pour apprendre la nature et notre interdépendance avec elle.
Apprendre à manger avec des baguettes est un moyen amusant et stimulant de soutenir le développement moteur. On peut laisser un jeune enfant essayer de manger avec des baguettes comme il peut, puis montrer aux enfants de cinq ans et plus comment les baguettes sont tenues dans les pays où les gens les utilisent quotidiennement.
Tenez-les de manière à ce que le petit doigt et l’annulaire stabilisent la baguette inférieure à la base de la « vallée » entre le pouce et l’index, tandis que le bout du pouce, l’index et les longs doigts permettent à la baguette supérieure de bouger. Il ne faut pas oublier la valeur de la participation des jeunes et des enfants d’âge scolaire à toutes les activités de la maison, en particulier la cuisine.
Bien sûr, tout prend beaucoup plus de temps lorsque les petits veulent « aider », mais les opportunités pour l’éducation des systèmes sensoriels et moteurs ne peuvent être dupliquées.
L’enfant non seulement favorise la maturation de la main, mais développe de nombreuses facultés importantes en ouvrant un pot ou une bouteille, en tournant un robinet serré, en battant un œuf à la main tout en maintenant le bol avec l’autre main, cassant (et, pour finir, séparant) un œuf, essorant un chiffon humide, lavant une casserole sale, pliant soigneusement un T-shirt, dépoussiérant sous un vase qui est soulevé par l’autre main, balayant le sol de la cuisine (en faisant des mouvements rapides sur une ligne médiane verticale), râpant une carotte avec une main tandis que l’autre tient fermement la râpe, coupant les tranches de pommes et d’oranges, mesurant la farine, pétrissant la pâte à pain à la main, pressant la pâte dans le moule, cassant les noix ou toute autre activité de la maison .
Le développement des pieds est encore plus oublié dans le monde d’aujourd’hui; nous tenons les pieds pour acquis et sommes surpris quand ils souffrent, deviennent plats ou développent des orteils en marteau.
Cependant, le potentiel des capacités du pied est tel que les personnes qui perdent l’usage de leurs mains peuvent exercer la plupart des fonctions des mains avec leurs pieds, comme se brosser les dents, écrire, dessiner et peindre.
L’éducation traditionnelle enfantine a des jeux de pieds tels que « This little piggie went to market »1 pour rappeler que le développement des pieds ne doit pas être pris pour acquis ou négligé. Des jeux de claquement des pieds où le parent prend les pieds de l’enfant et les déplace de haut en bas aux chevilles, remue les orteils ou frappe les semelles ensemble, tout en disant une comptine, ravissent les petits enfants et aident à les relier à leurs pieds.
Finalement, l’enfant peut ramasser des petits objets, des foulards ou des billes avec leurs orteils et de la plante des pieds comme les gnomes, ou agrippant une chaussette sous le pied en tirant avec les orteils recourbés, puis en se redressant, sont d’autres idées pour soutenir le développement des pieds et des orteils. Rudolf Steiner a rappelé aux premiers enseignants Waldorf qu’il était important de regarder les pieds des enfants lorsque leurs mains avaient des difficultés à écrire.
Il suggéra que les enfants d’âge scolaire apprennent à écrire avec leurs pieds (l’enfant utilise le pied du côté dominant). Les enseignants de classe qui ont utilisé cette approche ont remarqué que l’écriture de la main des enfants s’améliorait effectivement et que leurs doigts et leurs mains devenaient moins tendus.
Les enfants d’aujourd’hui sont autorisés à passer trop de temps devant les jeux vidéo, les ordinateurs et les écrans de télévision pour que les mouvements fins des mains et le contrôle postural se développent pleinement. Beaucoup d’adultes semblent penser que l’interaction des jeux sur ordinateur et des autres activités électroniques où les enfants utilisent leurs doigts sur les boutons et les joysticks est suffisante pour développer la coordination oculi-manuelle et la motricité fine.
Mais comparez ces mouvements de la main avec ceux que les enfants utilisent lorsqu’ils participent à certaines des activités suggérées ci-dessus. Qui veut voir le développement de la main aller dans le sens de pouvoir effectuer moins de mouvements qualifiés et finalement se transformer en une extension de la machine ? J’exhorte tous les adultes qui travaillent avec des enfants à embrasser la tâche de soutenir le développement correct de la main. La main avec sa capacité à créer et à donner librement est ce qui nous rend vraiment humains.
Note: Pour ceux qui ne connaissent pas la terminologie anatomique: les phalanges sont les os des doigts et les articulations interphalangiennes les articulations entre ces os. Les articulations métacarpo-phalangiennes sont situées entre les os des mains (métacarpiens) et les phalanges proximales (les plus proches des paumes). Les phalanges distales sont celles des extrémités des doigts (les plus éloignées des paumes). L’avant-bras prononcé fait baisser la paume tandis que l’avant-bras couché fait monter la paume vers le haut.
À propos des mouvements moteurs fins de la main et des doigts, le professeur Matti Bergström, neurophysiologiste et auteur finlandais, déclare : « Le cerveau découvre ce que les doigts explorent. La densité des terminaisons nerveuses dans nos bouts de doigts est énorme. Leur discrimination est presque aussi bonne que celle de nos yeux. Si nous n’utilisons pas nos doigts, si dans l’enfance et la jeunesse nous devenons « aveugles des doigts », ce riche réseau de nerfs s’appauvrit – ce qui représente une perte énorme pour le cerveau et contrecarre le développement global de l’individu.
Un tel dommage peut être assimilé à la cécité elle-même. Peut-être pire, alors qu’une personne aveugle peut ne pas être capable de trouver tel ou tel objet, l’aveugle des doigts ne peut pas comprendre sa signification intérieure et sa valeur. Si nous négligeons de développer et de former les doigts de nos enfants et la capacité créatrice de leurs muscles de la main à construire des formes, nous négligeons alors de développer leur compréhension de l’unité des choses ; nous contrecarrons leurs pouvoirs esthétiques et créatifs. Ceux qui ont façonné nos traditions séculaires l’ont toujours compris.
Mais aujourd’hui, la civilisation occidentale, une société obsédée par l’information qui surévalue la science et sous-estime la vraie valeur, a tout oublié. Nous sommes des « endommagés de la valeur ». La philosophie de notre éducation est centrée sur la science et nos écoles sont programmées à cette fin. Ces écoles n’ont pas le temps pour le potentiel créatif des doigts agiles et de la main, et elles empêchent le développement complet de nos enfants – et de toute la communauté ».
Une note sur les crayons-blocs et les crayons-bâtons2
Essayez de dessiner avec un pavé, puis avec un crayon-bâtons et remarquez la différence dans votre propre posture et dans le dessin. Qui semble créer plus de tension dans les épaules, le cou et la main ? Quelle est l’histoire du pavé ?
Il n’y avait pas de pavé au temps de Rudolf Steiner ; ils n’ont pas été « inventés » avant les années 1950. J’ai entendu d’enseignants Waldorf à la retraite que deux professeurs d’art dans une école Waldorf du nord de l’Allemagne avaient conçu les pavés pour une utilisation artistique dans les classes supérieures. Ils étaient destinés à être utilisés comme moyen d’extension des techniques artistiques après que la technique de dessin des ombres dans les trois premières années soit maîtrisée.
Ces types de dessins ne pouvaient pas encore être réalisés par les enfants des écoles maternelles et des écoles secondaires dont le développement des mains, des poignets et des bras est encore en cours. Les formes typiques dessinées par les jeunes enfants sont des lignes : d’abord des lignes gribouillées, puis des « boules de laine », des cercles, des spirales, des triangles, des carrés, qui sont plus facilement dessinés avec des crayons qu’avec des pavés.
Le pavé retarde le développement de la motricité fine de la main, décourage le dessin de ces formes archétypales des dessins de la petite enfance et oblige de nombreux enfants à compléter rapidement une image en couvrant rapidement le papier par des coups rapides et larges. Lorsqu’elle tient un pavé, la main de l’enfant âgé de cinq à six ans est majoritairement couchée sur la face.
Il y a peu d’effet stabilisant de l’annulaire fléchi et du petit doigt, de sorte que la main manque de soutien et que le mouvement du crayon sur le papier est principalement guidé par le bras bougeant au coude et par l’épaule et/ou par le tronc se tordant ou se penchant sur les côtés. Ceci est une image assez différente de la main qui tient un crayon ou un stylo, qui évoque un enfant plus jeune qui dirige le crayon sur la page à l’aide du bras en entier et/ou du tronc.
De nombreux enseignants de maternelle d’aujourd’hui qui ont des crayons dans leurs salles de classe ont remarqué que les enfants dessinent des images plus universelles et plus typiques en terme d’âge avec davantage des archétypes mentionnés. Dans mon travail avec les élèves de deuxième année, j’ai remarqué qu’ils passaient plus de temps à dessiner des images de personnes/maison/arbres quand ils utilisaient des crayons et non des pavés. Dans mon observation, ils travaillent avec plus de soin et dessinent plus de formes archétypales.
Ingun Schneider a été enseignante pendant plusieurs années à l’école Waldorf de Sacramento. Elle dirige maintenant le programme de formation Remedial Education Training au Rudolf Steiner College.
1NDT : en cherchant « Jeux de pied comptines » sur votre moteur de recherche préféré, vous pouvez notamment tomber sur des comptines à mouvements telles qu’ici : http://petits.peutons.free.fr/contes/contes_cptinesmouvements.htm
2NDT : j’ai laissé la traduction littérale afin que l’opposition soit plus claire, plus forte, telle que je la ressens dans le texte d’Ingun Schneider.
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